L’accident et l’incendie dans le tunnel du Mont Blanc il y a 25 ans, presque jour pour jour, a coûté la vie à 39 personnes. Avec des températures atteignant plus de 1000°C, l’incendie n’a pas seulement détruit des vies, mais a également endommagé et pollué le tunnel. Antoine Indaco, ingénieur chimiste auprès de CSD Ingénieurs SA à Lausanne, a conseillé les exploitants et représentants des autorités françaises et italiennes sur les travaux de dépollution post-incendie. Il répond aujourd’hui à nos questions.

Image (Archives) : Un travailleur nettoie les parois du tunnel du Mont Blanc avec de l’eau et des solvants et solutions alcalines
Quelle a été la cause de l’incendie et pourquoi il était aussi violent ?
Le tunnel du Mont Blanc avait été conçu à la base pour des voitures de tourisme et pas pour des transports de marchandises par camion. Ce jour-là, le 24 mars 1999, un camion est monté avec une cargaison de farine et de beurre du côté français. Il a commencé à surchauffer en montant, mais le conducteur a continué à monter et est entré dans le tunnel. Il y avait quelques dispositifs de sécurité, dont la plupart ne fonctionnaient malheureusement pas. Environ au milieu du tunnel de 11.6 kilomètres, le moteur de la semi-remorque a commencé à fumer et a pris feu. Le conducteur a arrêté le véhicule et s'est enfui du côté italien..
Les péages d’entrée au tunnel n’ont pas tout de suite été fermés, donc il y a encore eu des voitures qui entraient pendant que le camion a commencé à brûler. Le beurre représente une charge calorifique très importante. Il a commencé à brûler et a engendré des températures très élevées et de la fumée dense. La fumée a commencé à se répandre à grande vitesse des deux côtés du tunnel. Les gens sont partis de leur véhicule et beaucoup d’entre eux sont décédés asphyxiés.
Quelles ont été vos impressions après votre arrivée ?
Les pompiers ont pris environ 3 jours pour arrêter le feu. Ensuite, il y a eu des investigations pendant plusieurs semaines. En juillet, le bureau d’ingénieurs en génie civil qui était en charge m’a appelé, car j’ai été dans une liste de personnes qui connaissent les problématiques de l’assainissement post-incendie. On m'a demandé de venir sur place pour faire un constat.
On a du s'équiper avec des systèmes de respiration à circuit fermé parce qu’il y avait toujours beaucoup de poussières et suies toxiques dans l’air. J’ai vu la carcasse de la remorque qui avait brûlé et d’autre voitures brûlées, le goudron fondu, la voûte du tunnel qui avait éclaté. Ayant vu la couleur, j’estime que la température a dû largement dépasser les 1000 degrés, peut-être on était à 1200 degrés, c’était incroyable à voir cela sur place. Puisqu’il y avait de la fumée dans tout le tunnel, des résidus de suies toxiques étaient partout sur les parois.
Notre entreprise a obtenu le contrat pour la coordination des travaux d'assainissement du tunnel du point de vue de la chimie et de la pollution. Il fallait également assurer la coordination des travaux des deux côtés du tunnel, en français et en italien, avec des lois spécifiques de chaque côté.
L'écosystème autour du Mont Blanc est sensible et protégé. Il fallait donc éviter tout déversement de polluants dans la nature.
Pour l'assainissement, il fallait donc surtout gérer l'eau. Pour nettoyer, de l'eau sous pression avec des solvants et solutions alcalines était utilisé. L’eau devait être récupérée et traitée. Quelqu’un avait proposé d’évacuer l’eau dans des camions-citernes. Avec un débit de 2 litres par seconde, j’ai fait observer que cela allait générer beaucoup de camions-citernes qui font des allers-retours jusqu'à la station de traitement à plusieurs kilomètres et qui génèrent des coûts financiers et écologiques très importants. Mon idée a été de construire une installation de traitement des eaux sur place. L’installation a finalement traité plusieurs milliers de mètres cubes d’eau pollué.

Contrôle des eaux dans le tunnel sous la route
Quelles étaient les substances toxiques retrouvées dans le tunnel?
Le fait que le beurre et d’autres substances ont brûlé de très hautes températures a généré beaucoup d’éléments toxiques, des dioxines, des HAP, mais également des métaux lourds et des chlorures qui ont contribué à la corrosion.
Tout devait donc aller rapidement pour éviter une corrosion trop importante, nous avons donné juste un mois aux sociétés et entreprises pour répondre à nos appels d’offre, et vu que la préparation des opérations a eu lieu pendant la période estivale, il y avait peu de monde. Chez CSD à Lausanne, nous étions juste une vingtaine de personnes à l’époque.
Comment vous êtes-vous organisé pour ce travail ?
Je ne connaissais pas encore tout le monde chez CSD, car je venais de commencer. Jean-François Lafon de CSD Azur, une société française du Groupe CSD en 1999, est venu me prêter main forte, notamment aussi pour la négociation avec les entreprises et les autorités françaises.
Avec ces travaux de décontamination en urgence, il fallait aller très vite. Les travaux se faisaient en ce qu’on appelle un 3x8, donc pendant 24 heures sur 24. Vu que les équipes ont dû utiliser des combinaisons et des systèmes de respiration assistée et passer à chaque fois par les sas pour être décontaminés, ils n’ont pas pu travailler pendant 8 heures, mais seulement pendant 3 heures, donc c’était plutôt un 8x3 qu’un 3x8.
Parfois, le travail était particulièrement difficile : il y avait des systèmes de récupération de l'eau sous le tunnel, dans des galeries très basses. Les gens ont dû y pénétrer avec des lampes frontales et nettoyer ces caniveaux, car il y avait de la boue polluée. J’ai aussi dû aller là-dedans, pour valider les travaux sur chaque bout, à peu près tous les 100 mètres.
Nous avons également mis en place une procédure de sécurité pour rentrer dans le tunnel pour les pompiers, les gendarmes, les travailleurs etc., avec un SAS à l’entrée, et avec des combinaisons de protection.
J’ai bien apprécié l’esprit de camaraderie avec les autres personnes de différents métiers actifs sur place, et nous avons très bien travaillé ensemble pendant environ 8 ou 9 mois sur ce chantier.
Après la décontamination, nous avons réalisé des analyses de réception de l’ouvrage, mais aussi de l’air ambiant et des eaux de surface pour certifier la conformité de l’opération. Les travaux de remise en état ont ensuite commencé, et le tunnel a pu être rouvert en 2002 avec des nouveaux dispositifs de sécurité.
Les incendies, grands ou petits, génèrent toujours des polluants toxiques. Un assainissement post-incendie est nécessaire pour assurer la sécurité des travailleurs et des occupants du bâtiment ou de l’infrastructure sinistrée. Pour en savoir plus sur les prestations de CSD en dépollution après incendie, suivez ce lien : Dépollution après incendie : protéger les personnes et les structures . Pour en savoir plus sur la protection de votre entreprise ou immeuble contre les incendies : Protection incendie Vous trouverez tout sur nos solutions pour une économie circulaire et la dépollution ici : Économie circulaire et dépollution