
Olga Darazs est présidente du conseil d’administration du groupe CSD et également présidente du Swiss Water Partnership. Nous lui avons posé quelques questions juste après le World Water Week qui a eu lieu à Stockholm.
Qu’est-ce que la World Water Week (WWW) et comment les acteurs suisses sont-ils impliqués ?
La World Water Week ou Semaine mondiale de l’eau est un événement annuel qui réunit la communauté globale de l’eau à Stockholm. Des représentants de gouvernements, des agences actives dans l’aide au développement, des institutions onusiennes ainsi que des ONG, des représentants de sociétés privées ou du monde académique organisent et/ou participent à des conférences ou des événements sociaux qui abordent les thèmes liés aux grands enjeux de l’eau. En 2019, 4000 participants de 138 pays étaient présents. La Suisse était représentée au travers de la plateforme du Swiss Water Partnership (SWP) qui réunit plus de 70 organisations de différents secteurs (privé, public, académique, ONG) actives dans le domaine de l’eau au niveau international. Depuis leur première participation en 2012, lorsque la plateforme a été créée, les membres du SWP ont acquis une notoriété grandissante et les solutions suisses ont gagné en visibilité. Cette année, plus de 55% des sessions et conférences qui ont eu lieu à Stockholm comptaient au moins un membre du SWP ou un représentant d’une organisation partenaire.
Quels thèmes ont été abordés durant l’événement ?
Les thèmes principaux ont tourné autour de la question du risque que représente la crise de l’eau si les effets du réchauffement climatique ne sont pas pris plus au sérieux par les États et les institutions chargées de la gestion de l’eau. Les solutions d’adaptation à ces changements existent mais la gouvernance et l’inclusion de toutes les parties prenantes sont souvent insuffisantes et conduisent à une mauvaise gestion de la ressource. Cette situation pourrait conduire à mettre en péril des millions de vies humaines.
Macinley Butson a remporté le « Stockholm Junior Water Prize » en inventant le SODIS sticker. Pourriez-vous nous expliquer son projet et nous partager votre avis ?
C’est une invention extraordinaire, surtout si l’on considère que cette jeune femme n’a que 18 ans ! Son sticker permet de mesurer l’exposition aux UV de l’eau traitée par désinfection solaire dans les pays en développement. Par rapport aux appareils habituellement utilisés pour faire cette mesure (UV mètres), son système est simple d’utilisation et très peu coûteux (moins d’un centime de dollar pour produire un sticker). Le sticker présente deux anneaux de couleur qui sont au départ vert et bleu. Lorsque l’anneau interne est exposé au soleil il change progressivement de couleur et lorsque les deux anneaux ont la même couleur, l’eau est désinfectée et peut être bue. Génial !
Quel est le fait, la phrase, qui vous a le plus marqué ?
Ce sont les témoignages des ministres de pays comme l’Afghanistan et la Jordanie, présents à la soirée organisée par l’Ambassade de Suisse. Les infrastructures de distribution ou de traitement de l’eau de ces pays sont endommagés par la violence des conflits armés ce qui rend l’accès à l’eau potable difficile. Le Geneva Water Hub, avec d’autres partenaires, a pris l’initiative de proposer une liste de principes légaux visant à protéger les infrastructures liées à l’eau dans le cas de conflits armés.
Un autre témoignage d’une représentante d’ONG présente au Yémen a mis en évidence les conséquences dévastatrices d’années de conflit sur la santé de la population civile par manque d’accès à l’eau potable. Je retiens en particulier cette phrase de Desmond Tutu (prix Nobel de la paix 1984) qu’elle a rappelée lors de sa présentation : « Faites le bien par petits bouts, là où vous êtes. Car ce sont ces petits bouts de bien, une fois assemblés, qui transforment le monde ».
Quelle est la contribution du groupe CSD dans la thématique de l’eau ?
À l’international, CSD s’engage au travers de la plateforme du SWP, mais également au travers de projets que nous réalisons pour différents bailleurs de fonds actifs dans la coopération internationale, souvent en lien avec d’autres partenaires du SWP. Parmi les projets en cours, on peut citer celui qui vise à améliorer les connaissances hydrogéologiques du Tchad dans le but de permettre une gestion durable et ciblée de la ressource en eau, passant par une planification réfléchie de son utilisation. Certains collaborateurs du groupe sont également membres du Corps suisse d’aide en cas de catastrophes : ils peuvent être appelés à intervenir en cas de situation humanitaire d’urgence. C’est un engagement qui fait sens pour eux comme pour notre groupe. En Suisse, CSD est représenté dans les comités de différentes associations et commissions qui traitent de la protection et de la gestion durable de la ressource en eau.
Après cet événement, quel conseil concernant l’eau pouvez-vous donner à votre entourage ?
Ne pas oublier que 80% de l’eau que nous consommons en Suisse, au travers des biens et services importés, vient de l’étranger. Les régions productrices se retrouvent en situation de stress hydrique et les ressources en eau ne sont pas toujours accessibles en quantité et/ou qualité suffisantes pour répondre à leurs propres besoins. Nous pouvons agir chacun à notre niveau, en tant que consommateur en privilégiant des produits de proximité et à faible empreinte hydrique, ou en optant pour un menu végétarien qui réduit de moitié notre empreinte hydrique individuelle.
*SODIS (Solar Water Disinfection) est une méthode utilisée dans les pays en développement qui permet de désinfecter l'eau contaminée à l'aide de rayons solaires. Pendant six heures, l'eau est exposée au soleil dans des bouteilles en PET transparentes, le temps nécessaire aux rayons UV pour tuer les bactéries présentes.