"80% de l’eau utilisée pour ce que nous consommons en Suisse vient de l’étranger". Notre interview avec Olga Darazs après la World Water Week

05.09.2017
 

Olga Darazs - Interview World Water Week 

La World Water Week s'est terminée début septembre. Nous en avons parlé avec Olga Darazs, Chair du Swiss Water Partnership et présidente du conseil d'administration de CSD.


1) Olga Darazs, vous étiez présente à Stockholm avec une forte présence suisse pour participer à la World Water Week. C'est quoi, la World Water Week?

La World Water Week, ou semaine mondiale de l’eau, réunit chaque année à Stockholm la communauté globale de l’eau. Des représentants de gouvernements, des agences actives dans l’aide au développement, des institutions onusiennes ainsi que des ONG, des représentants de sociétés privées ou du monde académique organisent et/ou participent à des conférences ou des événements sociaux qui abordent les thèmes liés aux grands enjeux de l’eau. Depuis 2012, les crises liées à l’eau sont mentionnées chaque année dans le top 5 des risques du rapport sur les risques globaux édité par le World Economic Forum : les enjeux liés à l’accès à l’eau, à la répartition des ressources, à leur gestion durable ainsi qu’au traitement des eaux usées sont immenses. Ils sont encore exacerbés par le changement climatique et une évolution exponentielle de la consommation liée à la démographie et au mode de vie d’une part croissante de l’humanité.


2) Quels étaient les "highlights" de la participation suisse à cette conférence ?

Cette année, plus de 20 membres du Swiss Water Partnership étaient présents à Stockholm, notamment sur le stand du Swiss Water Partnership : les différentes organisations présentes, du domaine privé, académique ou des ONG, ont été impliquées dans 22 événements et séminaires organisés tout au long de la semaine. Depuis sa première participation en 2012, le Swiss Water Partnership est devenu, au travers de ses membres, un acteur reconnu de cette manifestation.

Un autre événement marquant de la semaine a été l’organisation par l’ambassade de Suisse à Stockholm et par le Swiss Water Partnership d’un dîner-discussion, qui s’est déroulé à la résidence de l’ambassadeur de Suisse en Suède. Cette manifestation, dont le sujet a porté sur les modèles permettant de mobiliser l’investissement d’impact et le financement mixte autour de projets de développement liés à l’eau, a réuni plus de 70 participants représentants de gouvernements, agences de développement, institutions financières et compagnies privées.


3) Vous avez organisé une session sur les ressources en eau souterraine. Pourquoi ce thème?

Les eaux souterraines représentent 99% de l’eau douce disponible pour les humains. Malgré l’importance vitale de cette ressource, celle-ci est fréquemment méconnue et peu de moyens sont investis dans la reconnaissance des aquifères et dans leur protection à long terme. Le séminaire avait pour objectif d’explorer les causes de ce paradoxe : pourquoi n’accorde-t-on pas les moyens et l’attention nécessaires à une ressource que l’on sait être vitale ? Trois grandes raisons ont été mises en évidence :

  • La première se trouve dans nos cerveaux et dans les biais cognitifs qui affectent notre capacité de réflexion et nos raisonnements. Pour l’eau souterraine, on peut par exemple citer le biais « seul ce qui est visible est crédible », qui nous amène à ignorer ou à ne pas suffisamment prendre en considération dans nos modèles de pensée les éléments que l’on ne voit pas, comme l’eau souterraine.
  • La deuxième a trait à l’absence de valorisation économique de la ressource en eau. Les eaux souterraines sont des biens communs, sujets à ce qu’un scientifique, Hardin, a mis en évidence dans ses travaux comme étant la tragédie des biens communs. Un bien commun est une ressource partagée par de nombreux individus, qui peuvent en utiliser une part pour leur propre bénéfice. En l’absence de régulation, chaque individu aura tendance à exploiter ce bien commun à son avantage et sans limites. Dans ce cas de figure, la ressource est surexploitée, ce qui conduit peu à peu à sa destruction ou sa disparition totale.
  • La troisième raison identifiée a trait à la pensée sectorielle et au fait de « compartimenter » la gestion de la ressource en eau au travers d’agences dont les tâches sectorisées (eaux superficielles, agriculture, environnement) ne permettent pas une vue d’ensemble et une gestion durable de la ressource.

Des solutions trouvées sur le terrain et dans différentes régions du monde ont permis de mettre en évidence des solutions présentées notamment par la DDC et l’OFEV pour ce qui est des acteurs suisses.


4) Que pouvons-nous faire en tant qu'individu ou en tant que société pour mieux gérer les ressources en eau?

En tant qu’individu et consommateur il est utile de prendre conscience de notre empreinte en eau, c’est-à-dire toute l’eau que l’on consomme au travers de biens et services achetés et souvent importés. En Suisse, environ 80% de l’eau utilisée pour tous les biens et services que nous consommons dans le pays vient de l’étranger, parfois de pays en situation de stress hydrique.
D’une certaine façon, nous « exportons » les risques liés à l’eau comme le démontre une récente étude publiée en mars 2017 par la DDC et le WWF (The Imported Risk – Switzerland’s Water Risk in Times of Globalisation).

 

Nous pouvons adapter nos habitudes de consommation et participer collectivement à la recherche de solutions au travers des nombreux projets et initiatives de la Suisse, telle que la création de la plateforme du Swiss Water Partnership, lancée en 2012 par la DDC afin de réunir les acteurs suisses actifs dans le domaine de l’eau à l’international.